Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR L’ENTENDEMENT HUMAIN. LIV. II 129 confuse, comme de tous les autres objets qui tombaient sous ses yeux et dont les rayons frappaient son cristallin. Ainsi, dans mon sens, l’entendement répond à ce qui, chez les latins, est appelé intellectus, et l’exercice de cette faculté s’appelle intellection, qui est une perception dis- tincte jointe à la faculté de réfléchir, qui n’est pas dans les bêtes. Toute perception jointe à cette faculté est une pensée que je n’accorde pas aux bêtes, non plus que l’entendement, de sorte qu’on peut dire que l’intellection a lieu lorsque la pensée est distincte. Au reste, la percep- tion de la signification des signes ne mérite pas d’être distinguée ici de la perception des idées signifiées. § 6. Philalèthe. L’on dit communément que l’entende- ment et la volonté sont deux facultés de l’âme, terme assez commode si l’on s’en servait comme l’on devrait se servir de tous les mots, en prenant garde qu’ils ne fissent naître aucune confusion dans les pensées des hommes, comme je soupçonne qu’il est arrivé ici dans l’âme ; et lorsqu’on nous dit que la volonté est cette faculté supé- rieure de l’âme, qui règle et ordonne toutes choses, qu’elle est ou n’est pas libre, qu’elle détermine les facultés inférieures, qu’elle suit le dictamen de l’entende- ment (quoique ces expressions puissent être entendues dans un sens clair et distinct), je crains pourtant qu’elles n’aient fait venir à plusieurs personnes l’idée confuse d’autant d’agents qui agissent distinctement en nous. Théophile. C’est une question qui a exercé les écoles depuis longtemps, savoir, s’il y a une distinction réelle entre l’âme et ses facultés, et si une faculté est distincte réellement de l’autre. Les réaux ont dit que oui et les nominaux que non, et la même question a été agitée sur la réalité de plusieurs autres êtres abstraits qui doivent suivre la même destinée ; mais je ne pense pas qu’on ait besoin ici de décider cette question et de s’enfoncer dans ces épines, quoique je me souvienne qu’Épiscopius1 l’a trouvée de telle importance qu’il a cru qu’on ne pourrait point soutenir la liberté de l’homme si les facultés de l’âme étaient des êtres réels : cependant, quand elles seraient des êtres réels et distincts, elles ne sauraient passer pour des agents réels, qu’en parlant abusivement. Ce ne sont pas les facultés ou qualités qui agissent, mais les substances par les facultés. § 8. Philalèthe. Tant qu’un homme a la puissance de penser ou de ne pas penser, de mouvoir ou de ne pas l.Episcopius (1583-1643), théologien hollandais, connu surtout par son traité : An philosophiss studiumnecessarium sit theologo.