Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/229

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exemples à mesure qu’ils sont fréquents ; car alors l’attente ou réminiscence d’une perception à l’occasion d’une autre perception, qui y est ordinairement liée, est raisonnable ; surtout quand il s’agit de se précautionner. Mais comme la véhémence d’une impression très forte fait souvent autant d’effet tout d’un coup que la fréquence et répétition de plusieurs impressions médiocres en aurait pu faire à la longue, il arrive que cette véhémence grave dans la fantaisie une image aussi profonde et vive que la longue expérience. De là vient qu’une impression fortuite, mais violente, joint dans notre imagination et dans notre mémoire deux idées, qui déjà y étaient ensemble alors, tout aussi fortement et durablement, et nous donne le même penchant de les lier et de les attendre l’une ensuite de l’autre, que si un long usage en avait vérifié la connexion ; ainsi le même effet de l’association s’y trouve, quoique la même raison n’y soit pas. L’autorité, le parti, la coutume font aussi le même effet que l’expérience et la raison, et il n’est pas aisé de se délivrer de ces penchants. Mais il ne serait pas fort difficile de se garder d’en être trompé dans ces jugements, si les hommes s’attachaient assez sérieusement à la recherche de la vérité, ou procédaient avec méthode, lorsqu’ils reconnaissent qu’il leur est important de la trouver.


§ 1. Philalèthe. Dieu, avant fait l’homme pour être une créature sociable, lui a non seulement inspiré le désir et l’a mis dans la nécessité de vivre avec ceux de son espèce, mais lui a donné aussi la faculté de parler, qui devait être le grand instrument et le lien commun de cette société. C’est de cela que viennent les mots, qui servent à représenter ; et même à expliquer les idées.

Théophile. Je suis réjoui de vous voir éloigné du senti-