Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/237

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et il se trouve que même l’arabique (sous laquelle l’hébraïque, l’ancienne punique, la chaldéenne, la syriaque et l’éthiopique des Abyssins doivent être comprises) en a d’un si grand nombre et d’une convenance si manifeste avec les nôtres qu’on ne le saurait attribuer au seul hasard, ni même au seul commerce, mais plutôt aux migrations des peuples. De sorte qu’il n’y a rien en cela qui combatte et qui ne favorise plutôt le sentiment de l’origine commune de toutes les nations, et d’une langue radicale et primitive. Si l’hébraïque ou l’arabesque y approche le plus, elle doit être au moins bien altérée, et il semble que le teuton a plus gardé du naturel, et (pour parler le langage de Jacques Bôhm 1z) de l’adamique : car si nous avions la langue primitive dans sa pureté, ou assez conservée pour être reconnaissable, il faudrait qu’il y parût les raisons des connexions soit physiques, soit d’une institution arbitraire, sage et digne du premier auteur. Mais supposé que nos langues soient dérivatives, quant au fond elles ont néanmoins quelque chose de primitif en elles-mêmes, qui leur est survenu par rapport à des mots radicaux nouveaux, formés depuis chez elles par hasard, mais sur des raisons physiques. Ceux qui signifient les sons des animaux ou en sont venus en donnent des exemples. Tel est par exemple le latin coaxare, attribué aux grenouilles, qui a du rapport au couaquen ou quaken en allemand. Or il semble que le bruit de ces animaux est la racine primordiale d’autres mots de la langue germanique. Car comme ces animaux font bien du bruit, on l’attribue aujourd’hui aux diseurs de rien et babillards, qu’on appelle quakeler en diminutif ; mais apparemment ce même mot quaken était autrefois pris en bonne part et signifiait toute sorte de sons qu’on fait avec la bouche et sans en excepter la parole même. Et comme ces sons ou bruits des animaux sont un témoignage de la vie, et qu’on connaît par là avant que de voir qu’il y a quelque chose de vivant, de là est venu que quek en vieux allemand signifiait vie ou vivant, comme on le peut remarquer dans les plus anciens livres, et il y en a aussi des vestiges dans la langue moderne, car Queksilber est vif-argent, et erquicken est conforter, et comme revivifier ou recréer après quelque défaillance ou quelque grand travail. On appelle aussi Quüken en bas allemand certaines mauvaises herbes, vives pour ainsi dire et cou-