Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/241

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une autre fort éloignée sans en avoir de bonnes vérifications, où il sert surtout d’avoir les peuples entre eux pour garants. Et en général l’on ne doit donner quelque créance aux étymologies que lorsqu’il y a quantité d’indices concourants : autrement c’est goropiser.

Philalèthe. Goropiser ? Que veut dire cela ?

Théophile. C’est que les étymologies étranges et souventridicules de Goropius Becanus155, savant médecin du xvt` siècle, ont passé en proverbe, bien qu’autrement il n’ait pas eu trop de tort de prétendre que la langue germanique, qu’il appelle cimbrique, a autant et plus de marques de quelque chose de primitif que l’hébraïque même. Je me souviens que feu M. Claubergius’sb philosophe excellent, a donné un petit essai sur les origines de la langue germanique, qui fait regretter la perte de ce qu’il avait promis sur ce sujet. J’y ai donné moi-même quelques pensées, outre que j’avais porté feu M. Gerardus Meierus157, théologien de Brême, à y travailler, comme il a fait, mais la mort l’a interrompu. J’espère pourtant que le public en profitera encore un jour, aussi bien que des travaux semblables de M. Schilter, jurisconsulte célèbre à Strasbourg, mais qui vient de mourir aussi"’. Il est sûr au moins que la langue et les antiquités teutoniques entrent dans la plupart des recherches des origines, coutumes et antiquités européennes. Et je souhaiterais que de savants hommes en fissent autant dans les langues wallienne, biscayenne, slavonique, finnoise, turque, persane, arménienne, géorgienne et autres, pour en mieux découvrir l’harmonie, qui servirait particulièrement, comme je viens de dire, à éclaircir l’origine des nations.

§ 2. Philalèthe. Ce dessein est de conséquence, mais à présent il est temps de quitter le matériel des mots, et de revenir au formel, c’est-à-dire à la signification qui est commune aux différentes langues. Or vous m’accorderez premièrement, Monsieur, que lorsqu’un homme parle à un autre, c’est de ses propres idées qu’il veut donner des signes, les mots ne pouvant être appliqués par lui à des choses qu’il ne connaît point. Et jusqu’à ce qu’un homme ait des idées de son propre fonds, il ne saurait supposer