Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/37

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pour une certitude morale, de sorte que je m’imagine qu’ayant autant de sincérité que de pénétration, il pourrait bien s’accommoder de la doctrine que je viens d’exposer et qui est fondamentale en toute la philosophie raisonnable, car autrement je ne vois pas comment on pourrait s’empêcher de retomber dans la philosophie fanatique, telle que la Philosophie mosaïque de Flud, qui sauve tous les phénomènes, en les attribuant à Dieu immédiatement et par miracle, ou barbare, comme celle de certains philosophes et médecins du temps passé, qui se ressentait encore de la barbarie de leur siècle, et qu’aujourd’hui on méprise avec raison, qui sauvaient les apparences en forgeant tout exprès des qualités occultes ou facultés qu’on s’imaginait semblables à des petits démons ou lutins capables de faire sans façon ce qu’on demande, comme si les montres de poche marquaient les heures par une certaine faculté horodéictique sans avoir besoin de roues, ou comme si les moulins brisaient les grains par une faculté fractive sans avoir besoin de rien qui ressemblât aux meules. Pour ce qui est de la difficulté que plusieurs peuples ont eue de concevoir une substance immatérielle, elle cessera aisément (au moins en bonne partie) quand on ne demandera pas des substances séparées de la matière, comme en effet je ne crois pas qu’il y en ait jamais naturellement parmi les créatures.