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Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/62

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Baumgarten 44, il est rapporté qu’il y avait un santon en Egypte, qui passait pour un saint homme, eo quod non foeminarum unquam esset ac puerorum, sed tantum asellarum concubitor atque mularum.

Théophile. La science morale (outre les instincts comme celui qui fait suivre la joie et fuir la tristesse) n’est pas autrement innée que l’arithmétique, car elle dépend aussi des démonstrations que la lumière interne fournit. Et comme les démonstrations ne sautent pas d’abord aux yeux, ce n’est pas grande merveille si les hommes ne s’aperçoivent pas toujours et d’abord de tout ce qu’ils possèdent en eux, et ne lisent pas assez promptement les caractères de la loi naturelle, que Dieu, selon saint Paul, a gravés dans leurs esprits. Cependant, comme la morale est plus importante que l’arithmétique, Dieu a donné à l’homme des instincts qui portent d’abord et sans raisonnement à quelque chose de ce que la raison ordonne. C’est comme nous marchons suivant les lois de la mécanique sans penser à ces lois, et comme nous mangeons non seulement parce que cela nous est nécessaire, mais encore et bien plus parce que cela nous fait plaisir. Mais ces instincts ne portent pas à l’action d’une manière invincible ; on y résiste par des passions, on les obscurcit par des préjugés et on les altère par des coutumes contraires. Cependant on convient le plus souvent de ces instincts de la conscience et on les suit même quand de plus grandes impressions ne les surmontent. La plus grande et la plus saine partie du genre humain leur rend témoignage. Les Orientaux et les Grecs ou Romains, la Bible et l’Alcoran y conviennent ; la police des mahométans a coutume de punir ce que Baumgarten rapporte, et il faudrait être aussi abruti que les sauvages américains pour approuver leurs coutumes, pleines d’une cruauté qui passe même celle des bêtes. Cependant ces mêmes sauvages sentent bien ce que c’est que la justice en d’autres occasions ; et, quoiqu’il n’y ait point de mauvaise pratique peut-être qui ne soit autorisée quelque part et en quelques rencontres, il y en a peu pourtant qui ne soient condamnées le plus souvent et par la plus grande partie des hommes. Ce qui n’est point arrivé sans raison, et, n’étant pas arrivé par le seul raisonnement, doit être rapporté en partie aux instincts naturels. La coutume, la tradition, la discipline s’en sont mêlées, mais le naturel est cause que la coutume s’est tournée plus généralement du bon côté sur ces devoirs. Le naturel est