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Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/71

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faut bien que ceux qui sont pour les vérités innées soutiennent et soient persuadés que ces idées le sont aussi ; et j’avoue que je suis de leur avis. L’idée de l’être, du possible, du même, sont si bien innées qu’elles entrent dans toutes nos pensées et raisonnements, et je les regarde comme des choses essentielles à notre esprit ; mais j’ai déjà dit qu’on n’y fait pas toujours une attention particulière et qu’on ne les démêle qu’avec le temps. J’ai dit encore que nous sommes, pour ainsi dire, innés à nous-mêmes, et puisque nous sommes des êtres, l’être nous est inné ; et la connaissance de l’être est enveloppée dans celle que nous avons de nous-mêmes. Il y a quelque chose d’approchant en d’autres notions générales.

§ 4. Philalèthe. Si l’idée de l’identité est naturelle, et par conséquent si évidente et si présente à l’esprit que nous devions la connaître dès le berceau, je voudrais bien qu’un enfant de sept ans et même un homme de soixante-dix ans me dît si un homme, qui est une créature composée de corps et d’âme, est le même lorsque son corps est changé, et si, supposé la métempsycose, Euphorbe serait le même que Pythagore.

Théophile. J’ai assez dit que ce qui nous est naturel ne nous est pas connu pour cela dès le berceau ; et même une idée nous peut être connue sans que nous puissions décider d’abord toutes les questions qu’on peut former là-dessus. C’est comme si quelqu’un prétendait qu’un enfant ne saurait connaître ce que c’est que le carré et sa diagonale, parce qu’il aura de la peine à connaître que la diagonale est incommensurable avec le côté du carré. Pour ce qui est de la question en elle-même, elle me paraît démonstrativement résolue par la doctrine des monades, que j’ai mise ailleurs dans son jour, et nous parlerons plus amplement de cette matière dans la suite.

§ 6. Philalèthe. Je vois bien que je vous objecterais en vain que l’axiome qui porte que le Tout est plus grand que sa partie n’est point inné, sous prétexte que les idées du tout et de la partie sont relatives, dépendant de celles du nombre et de l’étendue : puisque vous soutiendrez apparemment qu’il y a des idées innées respectives, et que celles des nombres et de l’étendue sont innées aussi.

Théophile. Vous avez raison, et même je crois plutôt que l’idée de l’étendue est postérieure à celle du tout et de la partie.

§ 7. Philalèthe. Que dites-vous de la vérité que Dieu doit être adoré ; est-elle innée ?

Théophile. Je crois que le devoir d’adorer Dieu porte que dans les occasions on doit marquer qu’on l’honore au-