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Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/73

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noms, et si c’est une chose qui emporte avec elle l’idée d’excellence, de grandeur, ou de quelque qualité extraordinaire qui intéresse par quelque endroit et qui s’imprime dans l’esprit sous l’idée d’une puissance absolue et irrésistible qu’on ne puisse s’empêcher de craindre j’ajoute : et sous l’idée d’une grandissime bonté, qu’on ne saurait s’empêcher d’aimer une telle idée doit suivant toutes les apparences faire de plus fortes impressions et se répandre plus loin qu’aucune autre : surtout si c’est une idée qui s’accorde avec les plus simples lumières de la raison et qui découle naturellement de chaque partie de nos connaissances. Or telle est l’idée de Dieu, car les marques éclatantes d’une sagesse et d’une puissance extraordinaires paraissent si visiblement dans tous les ouvrages de la création que toute créature raisonnable qui voudra y faire réflexion ne saurait manquer de découvrir l’auteur de toutes ces merveilles : et l’impression que la découverte d’un tel Etre doit faire naturellement sur l’âme de tous ceux qui en ont entendu parler une seule fois est si grande et entraîne avec elle des pensées d’un si grand poids et si propres à se répandre dans le monde qu’il me paraît tout à fait étrange qu’il se puisse trouver sur la terre une nation entière d’hommes assez stupides pour n’avoir aucune idée de Dieu. Cela, dis-je, me semble aussi surprenant que d’imaginer des hommes qui n’auraient aucune idée des nombres ou du feu. Je voudrais qu’il me fût toujours permis de copier mot à mot quantité d’autres excellents endroits de notre auteur, que nous sommes obligés de passer. Je dirai seulement ici que cet auteur, parlant des plus simples lumières de la raison, qui s’accordent avec l’idée de Dieu, et de ce qui en découle naturellement, ne paraît guère s’éloigner de mon sens sur les vérités innées ; et sur ce qu’il lui paraît aussi étrange qu’il y ait des hommes sans aucune idée de Dieu qu’il serait surprenant de trouver des hommes qui n’auraient aucune idée des nombres ou du feu, je remarquerai que les habitants des Iles Mariannes, à qui on a donné le nom de la reine d’Espagne qui y a favorisé les missions, n’avaient aucune connaissance du feu lorsqu’on les découvrit, comme il paraît par la relation que le R. P. Gobien, jésuite français, chargé du soin des missions éloignées, a donnée au public et m’a envoyé.

§ 16. Philalèthe. Si l’on a droit de conclure que l’idée de Dieu est innée de ce que tous les gens sages ont eu cette