me semble qu’on doit répondre que c’est dès qu’il a quelque sensation.
Théophile. Je suis du même sentiment ; mais c’est par un principe un peu particulier, car je crois que nous ne sommes jamais sans idées, jamais sans pensées et aussi jamais sans sensation. Je distingue seulement entre les idées et les pensées ; car nous avons toujours toutes les idées pures ou distinctes indépendamment des sens ; mais les pensées répondent toujours à quelque sensation.
§ 25. Philalèthe. Mais l’esprit est passif seulement dans la perception des idées simples, qui sont les rudiments ou matériaux de la connaissance, au lieu qu’il est actif quand il forme des idées composées.
Théophile. Comment cela se peut-il, qu’il soit passif seulement à l’égard de la perception de toutes les idées simples, puisque selon votre propre aveu il y a des idées simples dont la perception vient de la réflexion, et qu’au moins l’esprit se donne lui-même les pensées de réflexion, car c’est lui qui réfléchit ? S’il se peut les refuser, c’est une autre question, et il ne le peut point sans doute sans quelque raison qui l’en détourne, quand quelque occasion l’y porte.
Philalèthe. Il semble que jusqu’ici nous avons disputé ensemble ex professo. Maintenant que nous allons venir au détail des idées, j’espère que nous serons plus d’accord, et que nous ne différerons qu’en quelques particularités.
Théophile. Je serai ravi de voir d’habiles gens dans les sentiments que je tiens vrais, car ils sont propres à les faire valoir et à les mettre dans un beau jour.
§ 1. Philalèthe. J’espère donc que vous demeurerez d’accord, Monsieur, qu’il y a des idées simples et des idées composées ; c’est ainsi que la chaleur et la mollesse dans la cire, et la froideur dans la glace, fournissent des idées simples, car l’âme en a une conception uniforme, qui ne saurait être distinguée en différentes idées.
Théophile. Je crois qu’on peut dire que ces idées sensibles sont simples en apparence, parce qu’étant confuses, elles ne donnent point à l’esprit le moyen de distinguer ce qu’elles contiennent. C’est comme les choses éloignées qui paraissent rondes, parce qu’on n’en saurait discerner les