Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/95

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si le repos est plutôt une privation que le mouvement.

Théophile. Je n’avais point cru qu’on pût avoir sujet de douter de la nature privative du repos. Il lui suffit qu’on nie le mouvement dans le corps ; mais il ne suffit pas au mouvement qu’on nie le repos et il faut ajouter quelque chose de plus pour déterminer le degré du mouvement, puisqu’il reçoit essentiellement du plus ou du moins, au lieu que tous les repos sont égaux. Autre chose est quand on parle de la cause du repos, qui doit être positive dans la matière seconde ou masse. Je croirais encore que l’idée même du repos est privative, c’est-à-dire qu’elle ne consiste que dans la négation. Il est vrai que l’acte de nier est une chose positive.

§ 9. Philalèthe. Les qualités des choses étant les facultés qu’elles ont de produire en nous la perception des idées, il est bon de distinguer ces qualités. Il y en a des premières et des secondes. L’étendue, la solidité, la figure, le nombre, la mobilité sont des qualités originales et inséparables du corps, que j’appelle premières. § 10. Mais j’appelle qualités secondes les facultés ou puissances des corps à produire certaines sensations en nous, ou certains effets dans les autres corps, comme le feu par exemple en produit dans la cire en la fondant.

Théophile. Je crois qu’on pourrait dire que lorsque la puissance est intelligible, et se peut expliquer distinctement, elle doit être comptée parmi les qualités premières ; mais lorsqu’elle n’est que sensible et ne donne qu’une idée confuse, il faudra la mettre parmi les qualités secondes.

§ 11. Philalèthe. Ces qualités premières font voir comment les corps agissent les uns sur les autres. Or les corps n’agissent que par impulsion, du moins autant que nous pouvons le concevoir, car il est impossible de comprendre que le corps puisse agir sur ce qu’il ne touche point, ce qui est autant que d’imaginer qu’ils puissent agir où il n’est pas.

Théophile. Je suis aussi d’avis que les corps n’agissent que par impulsion. Cependant il y a quelque difficulté dans la preuve que je viens d’entendre ; car l’attraction n’est pas toujours sans attouchement, et on peut toucher et tirer sans aucune impulsion visible, comme j’ai montré ci-dessus en parlant de la dureté. S’il y avait des atomes d’Epicure, une partie poussée tirerait l’autre avec elle et la toucherait en la mettant en mouvement sans impulsion. Et dans l’attraction entre des choses contiguës on ne peut point dire que ce qui tire avec soi agit où