je mange et je dors. La vie que je traîne n’est pas très
malheureuse. Chacun de mes jours est supportable, mais leur ensemble m’accable…
Si le temps est sombre, je le trouve triste, et s’il est beau, je le trouve inutile…
Je cherche dans chaque chose le caractère bizarre et double qui la rend un moyen de mes misères, et ce comique d’opposition qui fait de la terre humaine une scène contradictoire où toutes choses sont importantes au sein de la vanité de toutes choses…
Simplicité de l’espérance, qu’êtes-vous devenue ?
D’autres sont bien plus malheureux que moi : mais j’ignore s’il fut jamais un homme moins heureux…
Il y a évidemment beaucoup plus de substance dans les méditations d’Obermann que dans les rêveries de René. Senancour est un philosophe, Chateaubriand un poète. L’un est un stoïcien, l’autre un épicurien. Senancour, dans ses spéculations les plus libres sur l’amour et le mariage (car il disserte de tout), garde une austérité. Chateaubriand est la volupté même. Chateaubriand sent plus qu’il ne pense ; mais il y a, au fond de la tristesse de Senancour, le doute ou la négation métaphysique. Chateaubriand a été un des plus illustres parmi les enfants des hommes, et je vous prie de croire qu’il s’en est aperçu. Senancour n’a rien été. Il a failli être sous-préfet de Napoléon, mais il n’a pas même été cela. On ne sait presque rien sur lui. On croit que le mariage qu’il avait fait n’était pas délicieux. Il fut presque pauvre et mourut caché.
C’