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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/148

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réelle dans le Saint-Sacrement m’était aussi sensible que la présence de ma mère à mes côtés. Quand l’hostie fut déposée sur mes lèvres, je me sentis comme tout éclairé en dedans… Je tremblais de respect… » (Il écrit cela trente ans après). En revenant du Canada, il avait chanté, à la vue des côtes de Bretagne, le cantique des marins à Notre-Dame du Bon Secours, etc… Toute son enfance, quand il lut la lettre de madame de Farcy, dut lui remonter au cœur.

Des milliers et des milliers de Français, en France ou dans l’exil, étaient dans les mêmes dispositions. Fontanes, qu’il connaissait déjà et qui avait été aussi incrédule que lui, était repris du désir de croire. En 1790 déjà, Fontanes écrivait à Joubert : « Ce n’est qu’avec Dieu qu’on se console de tout… J’aimerais mieux me refaire chrétien comme Pascal… que de vivre à la merci de mes opinions, ou sans principes, comme l’Assemblée nationale ; il faut de la religion aux hommes, ou tout est perdu. » (Cité par V. Giraud.) Joubert, que Chateaubriand allait connaître, et qui avait eu, lui aussi, sa période d’incroyance, écrivait : « La Révolution a chassé mon esprit du monde réel en le rendant trop horrible. » Et encore : « La religion est la poésie du cœur ; elle a des enchantements utiles aux mœurs. » (Il écrivait cela après le Génie du christianisme, mais il le pensait depuis le commencement de la Révolution.) On sentait qu’il faut une religion, non seulement pour le peuple, mais pour tout le monde. Tout