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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/153

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se lasse point de me faire attendre, ni moi de corriger. Ce que je vais donc vous dire… sera tiré en partie de ce livre futur. » Autrement dit, il raccroche au livre de madame de Staël une très élégante et très adroite réclame de son propre livre, et il signe — déjà — « l’auteur du Génie du christianisme ». Cette lettre eut un très grand succès. « Cette boutade, dit-il dans les Mémoires, me fit tout à coup sortir de l’ombre. »

Mais le coup de maître, ce fut la publication d’Atala à part. Nous avons vu ce qu’Atala avait de nouveau et par où elle séduisit les imaginations. Mais surtout quelle victorieuse idée d’annoncer, par un fragment de cette espèce, par une histoire mélancolique et chastement sensuelle, pleine des images de la volupté et de la mort, une apologie de la religion ! À coup sûr, cette apologie ne serait pas austère ni rebutante ; l’auteur connaissait, autant que la poésie de la nature, la poésie des passions ; son livre serait un trésor de suaves descriptions et d’émotions distinguées. Les femmes l’attendaient comme un roman.

 C’est de la publication d’Atala (dit Chateaubriand dans les
 Mémoires) que date le bruit que j’ai fait dans le monde…
 Atala devint si populaire qu’elle alla grossir, avec la
 Brinvilliers, la collection de Curtius. Les auberges de
 rouliers étaient ornées de gravures rouges, vertes et bleues
 représentant Chactas, le Père Aubry et la fille de Simaghan.
 Dans des boîtes de bois, sur les quais, on montrait mes
 personnages en cire, comme on montre des images de Vierge et
 de saints à la foire. Je