Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/186

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fait-il ? Il mène la vie de château, il y montre cette bonne humeur, cette gaieté, cet enfantillage dont Joubert nous parle plusieurs fois : car il semble bien qu’à part certaines heures, l’auteur de René ait été aussi peu René que possible. Il perd, à moitié folle, madame de Caud (Lucile, sa sœur bien-aimée). Il va à Vichy, en Auvergne, au mont Blanc, à la Grande-Chartreuse. Il achète et plante la Vallée-aux-Loups. Il fait son voyage d’Orient (du 13 juillet 1806 au 5 juin 1807). Et il est vrai qu’il écrit ces deux livres : les Martyrs et l’Itinéraire. Mais en sept ans, pour un pareil passionné de la plume, ce n’est guère (je ne dis pas comme qualité).

C’est qu’il dut être fort embarrassé. Après le Génie du christianisme, que pouvait-il bien écrire qui en soutînt la réputation ? Et cependant Napoléon grandissait toujours, devenait empereur… La concurrence était de plus en plus difficile avec un tel homme. Quel livre pouvait contrebalancer Austerlitz ? Car, dès l’origine, Chateaubriand avait considéré Napoléon comme un rival. Notez que l’aventure prodigieuse et la gloire de l’empereur ont surexcité un nombre considérable de ses contemporains et des hommes de la génération suivante et, particulièrement, dans les lettres, Chateaubriand, Victor Hugo, Balzac et, je crois même, Stendhal. Ils brûlaient du désir d’être aussi grands que lui, sans prendre assez garde que la commune mesure est incertaine et fuyante entre l’