Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/19

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« Abbé, je me parus ridicule. » — « Je dis donc à ma mère que je n’étais pas assez fortement appelé à l’état ecclésiastique. » En quoi il ne se trompait pas. Alors il déclara qu’il irait au Canada défricher des forêts, ou aux Indes chercher du service chez quelque rajah. Projet vague et admirable. Son père demanda simplement pour lui un brevet de sous-lieutenant au régiment de Navarre.

Après quelques mois de garnison à Cambrai, il vient à Paris et y fait d’abord un peu la figure du Huron de Voltaire, ou plutôt celle que, dans les Natchez, il prêtera à Chactas visitant Paris. Il est présenté au roi, suit la chasse à Versailles. Il retrouve à Paris deux de ses sœurs : Julie, devenue madame de Farcy, élégante et brillante, — et Lucile. Il s’attache à Malesherbes, dont son frère est devenu le parent par son mariage avec une Rosambo. — Son père meurt en 1786.

On était à la veille de la Révolution : « Tout était dérangé dans les esprits et dans les mœurs… Les magistrats tournaient en moquerie la gravité de leurs pères… Le prêtre, en chaire, évitait le nom de Jésus-Christ et ne parlait que du législateur des chrétiens… Le suprême bon ton était d’être Américain à la ville, Anglais à la cour, Prussien à l’armée : d’être tout, excepté Français. Ce que l’on faisait, ce que l’on disait n’était qu’une suite d’inconséquences. » Ainsi écrit-il trente ans plus tard : mais, au moment même, il n’est pas trop mécontent de ce qui arrive. « Nous nous entendions en