Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/196

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sur le mont Liban : là, j’ai des temples

 enchantés, des fêtes gracieuses, des cygnes qui m’entraînent
 au milieu des airs, des fleurs, de l’encens, des parfums, de frais
 gazons, des danses voluptueuses et de riants sacrifices. Et les
 chrétiens m’arracheraient ce léger dédommagement des joies
 célestes ! Le myrte de mes bosquets, qui donne l’enfer à tant
 de victimes, transformé en croix sauvage, qui multiplie les
 habitants du ciel ! Non, je ferai connaître aujourd’hui ma
 puissance. Pour vaincre les disciples d’une loi sévère, il ne
 faut ni violence ni sagesse : j’armerai contre eux les tendres
 passions… Cette ceinture me répond de la victoire. Bientôt mes
 caresses auront amolli ces durs serviteurs d’un Dieu chaste. Je
 dompterai les vierges rigides, et j’irai troubler jusque dans
 leurs déserts ces anachorètes qui pensent échapper à mes
 enchantements.

Que tout cela est joli ! Ce démon de la volupté est la grâce et le sourire de ce glacial et stupide enfer. Dans ces pages écrites pour démontrer la supériorité du merveilleux chrétien, les diables ne sont intéressants que s’ils ressemblent aux dieux païens. Ah que le peintre de cet enfer aime visiblement le péché !

Ici seulement l’auteur est sincère ; ici, et dans un passage original où, carrément, il place des pauvres en enfer, se souvenant des terribles pauvres de la Révolution et de la Terreur :

 Satan rit des lamentations du pauvre qui réclame, au nom de ses
 haillons, le royaume du ciel : « Insensé, lui dit-il, tu croyais
 donc que l’indigence suppléait à