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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/201

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Légers vaisseaux de l’Ausonie, fendez la mer calme et brillante ! Esclaves de Neptune, abandonnez la voile au souffle des vents… Volez, oiseaux de Libye… Quand retrouverai-je mon lit d’ivoire… J’étais semblable à la tendre génisse… Ah ! s’il m’était permis d’implorer encore les Grâces et les Muses !… » Etc… Ainsi chante cette petite chrétienne, qui ignore le langage et le vocabulaire chrétiens.

C’est une chose étrange : toutes les fois qu’il s’agit de décrire une fête païenne ou de chanter un chant païen, le poète retrouve son génie. Il a l’air alors de sentir et de jouir pour son compte… Il y a, tout près de la fin, au livre XXIIIe, une fête de Bacchus et un hymne à Bacchus, d’une ardeur, d’une couleur !… « Les prêtresses agitaient autour de lui des torches enflammées… Leurs cheveux flottaient au hasard… Les unes portaient dans leurs bras des chevreaux naissants, les autres présentaient la mamelle à des louveteaux… » Et l’hymne est délicieux. Cela rend bien pâles les scènes de sainteté. On sent que Chateaubriand a connu les manuscrits d’André Chénier. Je ne sais pas s’il avait besoin de les lire pour composer ces tableaux et ces chants : mais enfin il les avait lus. Cela est particulièrement sensible aux premiers livres, dans la rencontre de Cymodocée et d’Eudore, dans la visite de Démodocus et de sa fille chez Lasthénès. Démodocus l’homéride, un peu trop ingénu tout de même, semble échappé des idylles de Chénier.