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les Aventures du dernier Abencérage, qu’il publiera seulement vingt ans plus tard. « Le portrait, dit-il, que j’ai tracé des Espagnols explique assez pourquoi cette nouvelle n’a pu être imprimée sous le gouvernement impérial. La résistance des Espagnols à Bonaparte… excitait alors l’enthousiasme de tous les cœurs susceptibles d’être touchés par les grands dévouements et les nobles sacrifices. Les ruines de Saragosse fumaient encore, et la censure n’aurait pas permis des éloges où elle eût découvert, avec raison, un intérêt caché pour les victimes. »

Je vous répète qu’on ne peut pas lire une bibliothèque tous les matins ; et c’est ce qui fait que la critique est une chimère. Car, à supposer qu’un homme lise tous les ouvrages dont la suite forme la littérature d’un pays, comme il y mettra assurément des années et des années, il ne pourra les lire tous ni au même âge, ni dans le même état de santé, ni avec la même humeur, ni peut-être avec les mêmes opinions politiques ou les mêmes croyances religieuses. Lui-même aura changé au cours de ces lectures, et le monde aussi aura changé autour de lui. Une histoire de la littérature, à moins d’être écrite à coups de fiches, ce qui n’a aucun intérêt, est surtout l’histoire de l’esprit du critique qui a pu l’écrire.

Tout cela pour vous dire (et je l’aurais pu à moins de frais) que, je ne sais pourquoi et sans m’y attendre le moins du monde, j’ai trouvé délicieuses