Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/235

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promptement étouffé les passions héroïques, si l’amour, pour

 être véritable, n’avait pas toujours besoin d’être accompagné
 de la gloire.
… Aben-Hamet a découvert le cimetière où reposent les cendres
 des Abencérages, mais en priant, mais en se prosternant, mais
 en versant des larmes filiales, il songe que la jeune Espagnole
 a passé quelquefois sur ces tombeaux et il ne trouve plus ses
 ancêtres si malheureux.
… Aben-Hamet n’était plus ni assez infortuné, ni assez heureux
 pour bien goûter le charme de la solitude : il parcourait avec
 distraction et indifférence ces bords enchantés.

Qui me dira pourquoi j’adore cela ?

J’ai dit que cela était fort différent de René et d’Atala. Pour la forme, oui ; mais, pour le fond, c’est toujours la même histoire. René, c’est l’amour d’une sœur pour son frère. Atala, c’est l’amour, pour un jeune infidèle, d’une petite chrétienne un peu simple qui se croit condamnée à la virginité par le vœu de sa mère. Les Martyrs, c’est l’amour d’un jeune chrétien et d’une jeune païenne. L’Abencérage, c’est l’amour d’une jeune chrétienne et d’un jeune musulman. Et Amélie entre au couvent ; et Atala s’empoisonne ; et Cymodocée est déchirée, encore vierge, par le tigre dans les bras de son fiancé ; et Blanca dit à Aben-Hamet : « Retourne au désert ! » Et cela est très bien ainsi. C’est toujours la même histoire, parce que Chateaubriand avait souverainement l’invention des images, mais n’avait, je crois, que celle-là. Et c’