Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/247

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c’est que Chateaubriand et l’empereur ont été constamment en coquetterie. Ils étaient, au fond, attirés l’un vers l’autre. Chateaubriand estimait que Napoléon était, avec lui, le seul grand homme du siècle ; il voulait exister le plus possible pour son rival, être le plus possible présent à sa pensée. Mais d’autre part il ne pouvait se rallier : son rôle, son parti, son orgueil le lui défendaient. Je crois qu’il en était assez malheureux.

Il dit dans ses Mémoires : « À partir de 1812, je n’imprimai plus rien. Ma vie de poésie… fut véritablement close par la publication de mes trois grands ouvrages (Génie, Martyrs, Itinéraire…) Ici donc se termine ma carrière littéraire. »

Au fait, on se figure difficilement comment il eût pu la poursuivre. Le Génie avait engendré les Martyrs qui avaient engendré l’Itinéraire. Mais qu’est-ce que l’Itinéraire pouvait bien engendrer ? Chateaubriand était captif de son rôle et captif de sa gloire. On ne le voit pas écrivant un ouvrage d’imagination qui ne fût pas encore une démonstration de la beauté de la religion chrétienne : tout autre eût semblé futile de sa part. Or, sur ce sujet, il avait dit tout ce qu’il pouvait dire, imaginé tout ce qu’il pouvait imaginer. C’est pourquoi il terminait l’Itinéraire par ces mots : « J’ai fait mes adieux aux Muses dans les Martyrs et je les renouvelle dans ces Mémoires (il appelle ainsi l’Itinéraire) qui ne sont que la suite ou le commentaire de l’autre ouvrage. Si le ciel m’accorde un