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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/255

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les mains lors de son

 élévation. Il héritait de toutes les armées formées par nos
 plus habiles généraux… Il trouva un peuple nombreux, agrandi
 par des conquêtes, exalté par des triomphes et par le mouvement
 que donnent toujours les révolutions ; il n’eut qu’à frapper du
 pied la terre féconde de notre patrie, et elle lui prodigua les
 trésors et les soldats. Les peuples qu’il attaquait étaient
 lassés et désunis ; il les vainquit tour à tour en versant sur
 chacun d’eux séparément les flots de la population de la France,
 etc.

(Il ne faut pas oublier qu’en effet la France était alors le peuple le plus nombreux d’Europe, la Russie exceptée.)

En dépit de ce qu’il y a de contestable dans ces explications, je vous avoue que j’y trouve quelque chose d’allégeant. Elles nous délivrent un peu de la gêne que donne à la raison l’inexplicable, le miracle… Un génie, oui, mais dont la « part de chance » fut véritablement inouïe, et dont la grandeur eut pour collaborateurs complaisants et, très exactement, pour complices tous les hommes de son temps, et, plus encore, ceux de l’époque suivante. Bref, cet homme singulier, avec qui on ne se sent guère plus en communication qu’avec Tamerlan, Chateaubriand ne nous le montre qu’extraordinaire et démesuré. Dans les Mémoires il nous le montrera surnaturel, nous verrons pourquoi.

De Bonaparte, il passe aux Bourbons. Il n’était pas très facile de les faire aimer, comme cela, tout de suite. Le monde des soldats et des fonctionnaires,