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Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/259

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le comte d’Artois) n’ait jamais rien lu du Génie du christianisme.

Bref, la déception de l’écrivain fut cruelle. Il ne la leur pardonnera de sa vie. Il est tellement dégoûté, dès 1814, qu’il songe à se retirer dans la solitude aux bords du lac de Genève. Mais « madame de Duras, qui m’avait pris sous sa protection, dit-il, fut si orageuse, avait un tel courage pour ses amis, qu’on déterra pour moi une ambassade vacante, l’ambassade de Suède. Louis XVIII, déjà fatigué de mon bruit, était heureux de faire présent de moi à son beau-frère le roi Bernadotte. Celui-ci ne se figurait-il pas qu’on m’envoyait à Stockolm pour le détrôner ? » Et il ajoute, avec un dédain tellement gratuit qu’il en devient comique (car enfin on ne lui offrait nulle couronne) : « Eh ! bon Dieu, princes de la terre, je ne détrône personne, gardez vos couronnes si vous pouvez, et surtout ne me les donnez pas, car je n’en veux mie. » Vous sentez l’imagination folle.

L’empereur débarque de l’île d’Elbe en mars 1815. « À cette nouvelle, Chateaubriand prétendait que tout serait sauvé si on le nommait ministre de l’intérieur. Mais il n’eut ce ministère qu’à Gand, où il était déjà mis de côté avant qu’on fût rentré à Paris. » (Sainte-Beuve.) L’extraordinaire, le fantastique du retour de Napoléon l’emplit d’autant d’admiration que de colère… « À Sisteron, vingt hommes le peuvent arrêter, et il ne trouve personne… Dans le vide qui se forme autour de son ombre gigantesque,