Aller au contenu

Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il vient un moment où il est peut-être plus content d’avoir écrit l’Essai sur les Révolutions que le Génie du christianisme. En 1839, il dit de l’Essai : « Ce que l’on rêve aujourd’hui de l’avenir, ce que la génération nouvelle s’imagine avoir découvert d’une société à naître, fondée sur des principes tout différents de ceux de la vieille société, se trouve positivement annoncé dans l’Essai. » Il écrit vers le même temps : « En politique, la chaleur de mes opinions n’a jamais excédé la longueur de mon discours et de ma brochure. »

En somme, c’est l’âme de René, l’âme inquiète et visionnaire, violente et triste, tour à tour blessée ou séduite, exaltée ou désespérée, l’âme de désir et de dégoût, que Chateaubriand a promenée dans la politique. C’est toujours le chercheur d’images et d’émotions. Charles Maurras a écrit, il y a quatorze ans, sur Chateaubriand homme politique, quelques pages admirables de pénétration et de couleur… Après avoir montré à quel point et de quel voluptueux amour cet homme aimait les calamités, les désastres et les ruines pour en nourrir sa tristesse, Maurras nous dit : « À ses façons de craindre la démagogie, le socialisme, la République européenne, on se rend compte qu’il les appelle de ses vœux. Prévoir certains fléaux, les prévoir en public, de ce ton sarcastique, amer et dégagé, équivaut à les préparer. Assurément, ce noble esprit, si supérieur à l’intelligence des Hugo, des Michelet et des autres romantiques, ne se figurait