Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/53

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 et d’un esprit cultivé, il n’avait de Robespierre que la
 dissimulation profonde, et de l’infâme d’Orléans que les
 richesses et la naissance illustre…
 Il semble qu’il y ait des hommes qui renaissent à des siècles
 d’intervalle pour jouer, chez différents peuples et sous
 différents noms, les mêmes rôles dans les mêmes circonstances :
 Mégaclès et Tallien en offrent un exemple extraordinaire.
 Tous deux redevables à un mariage opulent de la considération
 attachée à la fortune, tous deux placés à la tête du parti
 modéré dans leurs nations respectives, ils se font tous
 deux remarquer par la versatilité de leurs principes et
 la ressemblance de leurs destinées. Flottant, ainsi que le
 révolutionnaire français, au gré d’une humeur capricieuse,
 l’Athénien fut d’abord subjugué par le génie de Pisistrate,
 parvint ensuite à renverser le tyran, s’en repentit bientôt
 après ; rappela les montagnards, se brouilla avec eux, fut chassé
 d’Athènes, reparut encore, et finit par s’éclipser tout à
 coup dans l’histoire ; sort commun des hommes sans caractère ;
 ils luttent un moment contre l’oubli qui les submerge, et soudain
 s’engloutissent tout vivants dans leur nullité.

(Vous voyez que Chateaubriand, à vingt-cinq ans, a déjà sa plume.)

Autre exemple : le chapitre sur Sparte et les jacobins. Il y a là, sur les jacobins, disciples de Lycurgue et imitateurs des Spartiates, des remarques bien curieuses. Le jeune Chateaubriand dit fort bien — cent ans avant Taine — que « la voie spéculative et les doctrines abstraites » sont pour beaucoup dans les causes de la Révolution, et que c’est même là son trait distinctif. Il dit encore : « La grande base de leur doctrine était le fameux