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Page:Lemaître - Corneille et la Poétique d’Aristote, 1888.djvu/68

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CORNEILLE ET LA POÉTIQUE D’ARISTOTE.

d’autres impressions que vous, et que je tirerais des mêmes documents des conclusions différentes…

Mais il n’est plus temps de gourmander l’incurable naïveté de Corneille. Buvons les trois Discours jusqu’à la lie. Suivons avec résignation le grand poète dans toutes les inutiles difficultés où il s’engage et s’emberlificote. Après s’être demandé quels sont les sujets que le poète n’a pas le droit de tirer de sa cervelle et que le public ne peut accepter que sur la foi de la légende ou de l’histoire, il se demande (car il est méthodique !) ce que le poète peut changer aux données de l’histoire ou de la légende.

Son avis est qu’on doit toujours garder le dénouement intact, mais qu’on peut changer les moyens qui l’amènent, surtout pour rendre le principal personnage sympathique. C’est ainsi que lui-même, en dépit de l’histoire, a fait épargner Cléopâtre par Antiochus (dans Rodogune), et Prusias par Nicomède. — A vrai dire, je ne savais pas qu’Antiochus fût « le principal personnage » de Rodogune. Mais surtout Corneille devrait distinguer entre les histoires très connues, comme celles d’Alexandre, de César ou d’Auguste, et celles qui sont enfouies dans d’obscures chroniques. Eût-il inventé de toutes pièces la fable de Rodogune ou d’Héraclius que nous n’y verrions aucun inconvénient.

Je vous signale ici une amusante rouerie de Corneille. Voulez-vous savoir comment on peut respecter la loi en la tournant ? Corneille songe à l’histoire