Page:Lemaître - Impressions de théâtre, 11e série, 1920.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
290
IMPRESSIONS DE THÉATRE

J’en veux aussi un peu à M. Ambroise Thomas d’avoir abrégé mon plaisir. Vous savez que le moment le plus gai de la journée est celui de la proclamation des prix et des accessits. Les parents et les camarades des lauréats, le petit monde du parterre et des galeries supérieures, applaudit ou proteste, et surtout fait du tapage pour faire du tapage. Quand M. Thomas a proclamé les trois deuxièmes prix des jeunes filles pour la comédie (Mlles  Hartmann, Syma et Guernier), tout ce public a crié : « Syma ! Syma ! », faisant sans doute entendre par là que Mlle  Syma lui paraissait digne d’une plus haute récompense. Alors, M. Thomas a agité sa sonnette et, le silence rétabli (le bruit n’avait duré que deux minutes tout au plus), a déclaré qu’il levait la séance, et que les noms des autres lauréats seraient affichés dans le vestibule. M. Thomas est bien dur pour les enfants. Ce qu’il y a d’aimable, de plaisant, même d’un peu frivole sous la solennité apparente de ses fonctions (car qu’est-il enfin que l’un des chorèges officiels et des recruteurs de nos futurs plaisirs ?), rien de cela ne déteint sur son austérité. Nul reflet des tètes gracieuses dont il est le pasteur n’éclaircit son front chargé de menaces. Chose rare, ce musicien considérable a, dans sa physionomie et dans sa démarche la tristesse ténébreuse que Shakespeare attribue à ceux qui n’aiment pas la musique.

Vous médirez que je manque de sérieux, que je n’ai pas le droit, en jugeant les choses du Conser-