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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/161

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défauts opposés aux qualités de l’homme aimable, de l’homme de société, après avoir joué tant de ridicules, il lui restait à jouer celui que le monde pardonne le moins, le ridicule de la vertu. C’est ce qu’il a fait dans le Misanthrope.

Vous ne sauriez me nier deux choses : l’une, qu’Alceste dans cette pièce est un homme droit, sincère, estimable, un véritable homme de bien ; l’autre, que l’auteur lui donne un personnage ridicule. (Sous-entendez : « Donc l’auteur ridiculise la vertu ».) C’en est assez pour rendre Molière inexcusable.

C’est un syllogisme. Mais il cloche. On n’a qu’à dire (et des milliers de candidats à la Licence ès lettres l’ont répété depuis cent ans) qu’Alceste est sans doute un homme vertueux et qu’il est aussi un personnage parfois ridicule ; mais qu’il n’est pas ridicule en tant qu’il est vertueux. Il n’est ridicule qu’en tant que certaines de ses colères sont excessives dans la forme et disproportionnées avec leur objet. Mais ce n’est rien dire : car, justement, Rousseau ne souffre point cette idée, qu’Alceste puisse paraître ridicule, même dans ses exagérations. Que dis-je ! il ne reconnaît même pas qu’Alceste exagère.

Il ne veut pas que nous nous permettions de sourire d’Alceste tout en l’aimant bien. Il ne veut pas, il ne peut pas admettre ce tour et cette attitude d’esprit qui font qu’on raille parfois ce qu’on respecte, et qu’on prétend le respecter tout de même. Il la connaît, cette attitude-là. Ses meilleurs amis l’ont eue envers lui, Jean-Jacques. Ils l’ai-