Aller au contenu

Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

estime le théâtre le plus dangereux des divertissements parce qu’il en est le plus artificiel ; mais ce jugement ne repose que sur l’excellence présumée de ce mystérieux « état de nature ».

Le théâtre est un plaisir qu’on prend en public et en commun. Or, il paraît bien que les hommes assemblés n’acceptent et n’approuvent que des moeurs et une morale moyennes. Il est donc probable que le théâtre ni ne corrompt les mœurs ni ne les améliore. — On a dit cent fois ces choses, et mieux que je ne saurais faire.

En tout cas la condamnation prononcée par Rousseau paraît bien stricte si l’on considère le théâtre de son temps, le théâtre antérieur à 1758. Elle semblerait peut-être moins injustifiée si l’on songeait à certaines pièces d’aujourd’hui : et encore on ne peut pas dire qu’elles dépravent le public, puisqu’elles se conforment simplement à sa dépravation. — Mais le théâtre qu’on jouait du temps de Rousseau ? Le théâtre avant 1758 ? — Je ne parle point de Corneille, de Racine, de Molière, ni même de Regnard. Le goût d’entendre les trois premiers vaut tout de même autant que l’ivrognerie ou que les libertés des danses populaires ; et quant à Regnard, il n’y a que Jean-Jacques pour prendre au tragique l’immoralité du Légataire. Mais peut-on dire que les tragédies de Campistron, de Lagrange-Chancel, de Longepierre, de Lafosse, de Dauchet, de Duché, de Lamotte, de Lefranc de Pompignan, de Lanoue, de Marmontel, de Crébillon, et de Vol-