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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/207

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l’histoire d’une évolution morale, d’une « conversion » (c’est le vrai mot). Et même il s’avisera (après coup, je le crois) qu’il n’a fait Julie d’abord coupable que pour la convertir.

« Je sens deux hommes en moi », dit Saint-Paul dans son Épitre aux Romains. Je vous ai dit qu’il y avait bien plus de deux hommes dans Jean-Jacques. C’est le vagabond plein de désirs, l’amoureux qui n’a jamais été rassasié, l’ancien laquais épris de la fille de la maison, c’est cet homme-là qui a écrit les deux premières parties de la Julie. C’est l’amant de la nature et de la vie simple qui décrira la vie qu’on mène dans la maison de Clarens. C’est le rêveur orgueilleux et romanesque qui nous racontera le ménage compliqué Wolmar-Saint-Preux-Julie-Claire. — Et, en attendant, c’est le Genevois, c’est le protestant attendri de catholicisme, c’est l’homme profondément religieux qui « convertit » Julie d’Étanges.

Il la convertit en la mariant à M. de Wolmar.

Les faits sont assez habilement arrangés pour nous faire accepter ce mariage. Madame d’Étanges meurt ; elle meurt des duretés de son mari, mais surtout de la faute de sa fille, et du secret qu’elle garde et qui l’étouffe. Julie, désespérée, se fait rendre sa parole par Saint-Preux. Après un temps convenable, — et avec l’assentiment de Saint-Preux absent, qui à la vérité ne peut le lui refuser, — elle se résigne à épouser M. de Wolmar, cet ami dont son père lui avait parlé. Ce qui la décide, c’est