sûr de lui : « La blessure guérit, mais la marque reste. »
Vous avez remarqué que, dans toute la seconde moitié du roman (six cents pages), tous les personnages sont dans une situation fausse, et cela par leur volonté : Julie entre son mari, son ancien amant, et son amie finalement amoureuse de cet amant ; Saint-Preux entre son ancienne maîtresse, le mari d’icelle, et son amie devenue amoureuse de Saint-Preux ; Wolmar entre sa femme, l’ancien amant de sa femme, et l’ancienne complice de sa femme ; Claire, enfin, entre son amie et l’ancien amant de cette amie, duquel elle est amoureuse… Et ils vivent tous quatre, serrés les uns contre les autres, dans la plus étroite intimité.
Oh ! je sais bien que tout arrive dans le monde des sentiments, et que la psychologie n’est pas une science exacte. Mais, tout de même, tandis qu’ils se promènent, mangent, conversent et s’attendrissent à journée faite, inévitablement les mêmes images précises, concrètes, s’éveillent sous leurs fronts ; et chacun d’eux sait que ces images s’éveillent aussi dans l’esprit des trois autres. Je ne parle pas de l’excellent Wolmar, qui recule les limites connues de l’excentricité philosophique : mais il est bien à craindre que Saint-Preux, rappelé, ne redevint d’abord l’amant de Julie, ou qu’il ne fût l’amant de Claire, ou qu’il ne descendit aux servantes, comme le redoute la prévoyante Julie, — et peut-être tout cela successivement, — si ces