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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/222

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un roman qui n’est pas parisien ; l’amour, le mariage, l’adultère pris au sérieux ; un roman plein de pensées (les personnages y étant tous des raisonneurs) et plein de paysages (les personnages vivant dans la plus belle nature) et plein de lyrisme (les personnages, et surtout l’amant, qui est le plus souvent passif, s’y complaisant à des effusions sur les thèmes de l’absence, du désir, du regret, du souvenir, de la nature indifférente ou consolatrice, etc.).

Et c’est pourquoi, — quelque tendresse qu’on ait pour la Princesse de Clèves ou Manon Lescaut, — il faut bien dire que, tout de même, la Nouvelle Héloïse est d’un autre ordre et qu’elle renouvelle le roman, tant elle le hausse, l’élargit et le diversifie.

Nous ne pouvons plus bien concevoir l’effet que produisit la Julie. Comparez-la seulement aux Égarements du cœur et de l’esprit, ou même à Marianne. La littérature du temps était, avouons-le, un peu desséchée. Le vagabond, le rêveur, le solitaire Rousseau y rouvrit de larges sources neuves.

De la Julie se répandirent dans toute la société d’alors le goût de la nature, de la vie campagnarde (ce qui est fort bien), le culte de la sensibilité (ce qui ne serait pas mal), mais de la sensibilité se croyant une vertu (ce qui est dangereux). On fut plus touché, j’en ai peur, des sophismes du premier volume et des paradoxes psychologiques du troi-