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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/224

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prêt pour les vers de quelque poète de 1830, — qui d’ailleurs n’auraient pas valu cette prose. (C’est, dans la sixième partie, une lettre de Saint-Preux à madame de Wolmar, dans un moment où il est amoureux à la fois de Julie et de Claire) :

Femmes ! femmes ! objets chers et funestes, que la nature orna pour notre supplice, qui punissez quand on vous brave, qui poursuivez quand on vous craint, dont la haine et l’amour sont également nuisibles, et qu’on ne peut ni rechercher ni fuir impunément ! Beauté, charme, attrait, sympathie, être ou chimère inconcevable, abîme de douleurs et de voluptés ! beauté, plus terrible aux mortels que l’élément où l’on t’a fait naître, malheureux qui se livre à son charme trompeur ! C’est lui qui produit les tempêtes qui tourmentent le genre humain. Ô Julie ! ô Claire ! que vous me vendez cher cette amitié cruelle dont vous osez vous vanter à moi ! J’ai vécu, dans l’orage, et c’est toujours vous qui l’avez excité. Mais quelles agitations diverses vous avez fait éprouver à mon cœur ! Celles du lac de Genève ne ressemblent pas plus aux flots du vaste océan. L’un n’a que des ondes vives et courtes dont le perpétuel tranchant agite, émeut, submerge quelquefois, sans jamais former de long cours. Mais sur la mer, tranquille en apparence, on se sent élevé, porté doucement et loin par un flot lent et presque insensible ; on croit ne pas sortir de la place, et l’on arrive au bout du monde.