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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/312

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simplement, ici, le procès de la Réforme même et de son principe. Le singulier homme ! Toute cette seconde Lettre de la Montagne me paraît un chef-d’œuvre, et un chef-d’œuvre bien inattendu. Ainsi la destinée de Jean-Jacques était d’être destructeur, même du protestantisme, et cela en se conformant à ce qui est l’essence même de la Réforme et en se montrant ce que le protestantisme, dans son fond intime, conseille d’être : un individualiste forcené.

Ce heurt de Rousseau contre ceux de sa religion, me plaît extrêmement, je l’avoue. Cette aventure eut, je crois, pour l’âme de Rousseau, des conséquences que nous verrons tout à l’heure.

Mais je ne puis quitter cette première partie des Lettres de la Montagne sans vous lire une page sur Jésus, qui prouve que ce n’est pas seulement Chateaubriand, Senancour, George Sand, Michelet et Dumas fils qui ont beaucoup lu Rousseau et s’en sont souvenu, mais que c’est aussi Ernest Renan.

Je ne puis m’empêcher de dire, — écrit Rousseau dans la troisième lettre, — qu’une des choses qui me charment dans le caractère de Jésus n’est pas seulement la douceur des mœurs, la simplicité, mais la facilité, la grâce et même l’élégance. Il ne fuyait ni les plaisirs ni les fêtes, il allait aux noces, il voyait les femmes, il jouait avec les enfants, il aimait les parfums, il mangeait chez les financiers. Ses disciples ne jeûnaient point, son austérité n’était point fâcheuse. Il était à la fois indulgent et juste, doux aux faibles et terrible aux méchants. Sa morale avait quelque chose d’attrayant, de caressant,