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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/346

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autre chose. Parmi leurs audaces ou leurs caprices, leur raison demeure. Ils restent dans la tradition française. Rousseau, cet interrupteur de traditions, Rousseau, cet étranger, insère dans notre histoire littéraire un phénomène, un « monstre » (qui aura pour lignée tous les déséquilibrés, grands ou petits, du XIXe siècle).

De là, peut-être, son attrait. Outre qu’il avait du génie et, au plus haut point, le don de l’expression, l’humanité est telle que c’est peut-être la part d’absurdité qui est dans son œuvre, qui a permis à Rousseau d’exercer une si prodigieuse influence. On allait vers lui à cause de sa déraison brillante et émue de poète-dialecticien, à cause des singularités et des contradictions même de sa personne et de sa vie, à cause de la vibration délirante que son âme malade communiquait à ses livres. Oui, l’attrait de Rousseau, c’est souvent le mystérieux « attrait de l’absurde ». Car l’absurde a son attrait, en tant qu’il offre à la sensibilité l’image subite et grossière d’une facile revanche contre ce qu’il y a de pénible dans la réalité.

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Résumerai-je maintenant son œuvre, et ce qu’on appelle son système ? D’autres l’ont fait, et de telle façon que je ne l’essaierai point après eux. Faguet d’abord, et avec quelle pénétration ! dans son XVIIIe siècle. Il avoue seulement n’avoir pu, malgré ses efforts, faire logiquement rentrer le Contrat social dans l’ensemble du système de Jean-Jacques.