Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/35

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l’accueil caressant qu’elle me ferait, au baiser qui m’attendait à mon arrivée… Ce seul baiser… avant même de le recevoir, m’embrasait le sang… J’étais obligé de m’arrêter, de m’asseoir… De quelque façon que je m’y sois pu prendre, je ne crois pas qu’il me soit jamais arrivé de faire seul ce trajet impunément.

Ajoutez encore un mal bizarre qui le prit un jour aux Charmettes, et qu’il décrit ainsi :

Un matin que je n’étais pas plus mal qu’à l’ordinaire, en dressant une petite table sur son pied, je sentis dans tout mon corps une révolution subite… Mes artères se mirent à battre d’une si grande force, que non seulement je sentais leur battement, mais que je l’entendais même, et surtout celui des carotides. Un grand bruit d’oreilles se joignit à cela ; et ce bruit était triple ou plutôt quadruple, savoir : un bourdonnement grave et sourd, un murmure plus clair comme d’une eau courante, un sifflement très aigu, et le battement que je viens de dire… Ce bruit était si grand, qu’il m’ôta la finesse d’ouïe que j’avais auparavant, et me rendit, non tout à fait sourd, mais dur d’oreille, comme je le suis depuis ce temps-là. (Livre V des Confessions)

Il dit que, depuis trente ans jusqu’au moment où il écrit, ses battements d’artères et ses bourdonnements ne l’ont pas quitté une minute. Il y revient au livre VI, où il parle aussi de « vapeurs », des « pleurs qu’il versait souvent sans raison de pleurer », de ses « frayeurs vives au bruit d’une feuille ou d’un oiseau ».

Je passe ses autres maux : coliques néphrétiques (croit-il) à partir de 1750, esquinancies fréquentes,