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Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/362

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qu’à des hasards apparents que Rousseau n’eût pas écrit telle chose funeste et redoutable, — et dont lui-même n’était pas très persuadé. Il est surtout illustre et puissant par les deux livres qu’il y avait le plus de chances qu’il n’écrivît pas : le Contrat social et les Confessions. Joseph de Maistre dirait là-dessus (je suppose) que ce que nous appelons la part du hasard dans une vie humaine, c’est la part de la volonté divine, et qu’ainsi la destinée de Rousseau, plus que celle d’aucun autre écrivain célèbre, a été dirigée, a été voulue par une Providence irritée dont il a été l’instrument aveugle. — Je dirai, moi, simplement que, ce qu’il a écrit ayant si fort agi sur des générations d’hommes, — et n’étant pas certain cependant qu’il ait pensé tout ce qu’il a écrit, ni qu’il l’eût écrit, telle circonstance accidentelle de sa vie venant à manquer, — Rousseau m’apparaît à cause de cela, dans la suite de nos grands écrivains (entre lesquels il vient brusquement s’inscrire du dehors), étrange, mystérieux, tragiquement prédestiné et, bien mieux que celui à qui Renan applique cette formule, « créé par un décret spécial et nominatif de l’Éternel ».

Je ferme ma parenthèse. Donc, la descendance littéraire de Jean-Jacques, c’est Chateaubriand, c’est madame de Staël, c’est Senancour, c’est Lamartine, Hugo, Musset, Sand, Michelet… Sans Rousseau, ils n’auraient pas été tout ce qu’ils sont.

Puis-je regretter, en énumérant de si grands