Aller au contenu

Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/365

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la raison, et souvent maîtresse d’erreur et instigatrice de révolte.

      *       *       *       *       *

Avant de le quitter, je le considère dans le plus complaisant des nombreux portraits qu’il a laissés de lui-même : ses quatre Lettres à M. de Malesherbes. (Et cette manie d’« expliquer éternellement son caractère » a vraiment quelque chose de peu viril, et est signe, déjà, de faiblesse mentale.) — Lorsqu’il compose ces quatre Lettres, il est dans son plus beau moment ; il vient d’écrire la Julie, le Contrat et l’Émile ; et sa folie n’est que commençante. Or, comment se voit-il ? et comment se définit-il ?

Dans ce portrait, — qu’il veut pourtant aussi avantageux que possible, — il oublie, ou néglige, ou dédaigne les parties les plus saines de lui-même, celles où se seraient sans doute reconnus ses aïeux parisiens et catholiques ; il oublie le Jean-Jacques qui a écrit des choses si raisonnables sur le patriotisme, par exemple (dans l’article Économie politique), ou sur le naïf Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre ; celui qui a écrit l’admirable troisième partie de la Nouvelle Héloïse, et, dans l’Émile, la Profession de foi du Vicaire et les chapitres délicieux sur l’éducation de Sophie, et certaines pages des Lettres de la Montagne et, dans sa correspondance privée, tant de lettres pleines de raison (car c’est surtout pour le public qu’il osait ses folies).