Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/51

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raisons renforçaient ma timidité naturelle. L’entrée d’une maison opulente était une porte ouverte à la fortune ; je ne voulais pas risquer de me la fermer… Madame Dupin aimait avoir tous les gens qui jetaient de l’éclat, les grands, les gens de lettres, les belles femmes. On ne voyait chez elle que ducs, ambassadeurs, cordons bleus. Madame la princesse de Rohan, madame la comtesse de Forcalquier, madame de Mirepoix, madame de Brignolé ; milady Hervey, pouvaient passer pour ses amies. Monsieur de Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre, l’abbé Sollier, monsieur de Fourmont, monsieur de Bernis, monsieur de Buffon, monsieur de Voltaire étaient de son cercle et de ses dîners…

Voilà donc Rousseau dans le plus grand monde, et, s’il faut le dire, dans le plus voluptueux et le plus corrompu, et qui s’y trouve fort bien. Oui, nous sommes loin de Jean-Jacques citoyen de Genève et philosophe selon la nature.

Cependant, ces dames s’occupent de lui, lui cherchent une situation. Vers avril ou mai 1743, il va rejoindre, en qualité de secrétaire, M. de Montaigu, ambassadeur de France à Venise. Il y passe dix-huit mois. Jean-Jacques s’étend avec complaisance sur cette période de sa vie.

A la vérité, il ne dit pas un mot de la beauté de Venise, tant célébrée depuis un siècle par les écrivains, et avec des mots si pâmés !

Sébastien Mamerot, prêtre natif de Soissons, écrivait en 1454, dans les Passages d’outre mer faits par les Français, livre publié en 1518 :

Venise est une belle cité grande comme la moitié