Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/68

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seau tout seul. Ceux qui en ont parlé ou écrit au XVIIIe siècle ne le savaient que par Rousseau. Aucun témoignage qui ne soit fondé, directement ou indirectement, sur les confidences de Jean-Jacques (aucun, sauf un témoignage anonyme dans le Journal encyclopédique, en 1791. L’anonyme dit que, voisin de Rousseau dans la rue de Grenelle-Saint-Honoré, — donc entre 1749 et 1756, — il avait entendu dire à son barbier que M. Rousseau envoyait ses enfants aux Enfants-Trouvés et que cela était connu dans le quartier. Ce témoignage d’un anonyme, trente-cinq ou quarante ans après les faits, et neuf ans après la publication des Confessions, ne paraît pas très imposant).

Où je veux en venir ? Voici.

Dans le fond, on sent que, malgré tout, Jean-Jacques fut plutôt meilleur que beaucoup de ses confrères en littérature de ce temps-là. Il y a, dans la vie de Voltaire, des méchancetés noires, des mensonges odieux, des platitudes, même des actes d’improbité. Et il y a bien des hontes dans la vie de quelques autres… Mais voilà ! cinq enfants aux Enfants-Trouvés, cela est monstrueux ; de quelque côté qu’on le prenne ; cela semble pire, — à cause de la représentation précise qu’on s’en fait, — que l’abandon même d’une fille séduite et enceinte. Bref, cela paraît un des crimes par excellence contre la nature, — contre cette nature dont Jean-Jacques est l’apôtre. Et alors les amis de Rousseau voudraient bien que ce ne fût pas vrai.