Aller au contenu

Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

combien peu il a tenu qu’il ne l’écrivît pas ou qu’il l’écrivît autrement :

…Tous les deux jours, malgré des occupations très exigeantes, j’allais, soit seul, soit avec sa femme, passer avec lui (Diderot), l’après-midi (à Vincennes).

    Cette année 1749 l’été fut d’une chaleur excessive…

(La question du Mercure est d’octobre, et octobre n’est pas l’été ; mais peu importe. Rousseau écrit cela vingt ans après les événements.)

On compte deux lieues de Paris à Vincennes. Peu en état de paye des fiacres, à deux heures après-midi j’allais à pied quand j’étais seul, et j’allais vite pour arriver plus tôt. Les arbres de la route, toujours élagués à la mode du pays, ne donnaient presque aucune ombre ; et souvent, rendu de chaleur et de fatigue, je m’étendais par terre, n’en pouvant plus. Je m’avisai, pour modérer mon pas, de prendre quelque livre. Je pris un jour le Mercure de France, et tout en marchant et le parcourant, je tombai sur cette question proposée par l’Académie de Dijon pour le prix de l’année suivante : Si le progrès des sciences et des arts a contribué à corrompre ou à épurer les moeurs[1].


A l’instant de cette lecture, je vis un autre univers, et je devins un autre homme… En arrivant à Vincennes, j’étais dans une agitation qui tenait du délire, Diderot l’aperçut, je lui en dis la cause, et je lui lus la prosopopée de Fabricius écrite au crayon sous un chêne. Il m’exhorta de donner l’essor à mes idées et de concourir au prix. Je le fis et dès cet instant je fus perdu.

Il écrit cela en 1769. Il avait déjà raconté la

  1. Le vrai texte porte : Si le rétablissement…