Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/125

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personnages. Mais, pour le reste, il avait, cette fois, délibérément et effrontément suivi la mode. Il avait été cornélien trois ou quatre fois comme Pierre, le plus souvent comme Thomas. Quant à la langue, vous avez pu voir par les citations que c’est déjà presque entièrement la langue de Racine.


Le succès de la pièce fut très grand. Racine l’avait fort bien préparé par des lectures dans de grandes maisons. Quatre représentations en furent données à Versailles ou à Saint-Germain, devant le roi et la cour. Le roi adopta l’Alexandre et en accepta la dédicace. On parla beaucoup de la nouvelle tragédie. Saint-Évremond, dans son exil de Londres, se la fit envoyer. Il la critiqua dans une dissertation adressée à une dame, mais destinée à passer de main en main. Critique sévère, clairvoyante sur presque tous les points, et dont Racine aura l’esprit de profiter, — mais où, enfin, Saint-Évremond rendait assez justice au jeune auteur. « Depuis que j’ai lu le Grand Alexandre, écrivait-il, la vieillesse de Corneille me donne bien moins d’alarmes, et je n’appréhende plus tant de voir finir avec lui la tragédie ; mais je voudrais que, avant sa mort, il adoptât l’auteur de cette pièce, pour former avec la tendresse d’un père son vrai successeur. » Vœu assez naïf de la part d’un sceptique et d’un observateur. Ce vœu ne devait guère être entendu. Corneille, à qui Racine avait soumis sa tragédie, avait déclaré que le jeune homme