Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/144

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qu’il ferait, lui, autre chose. Et il attendait qu’une belle idée s’emparât de son imagination.

Un jour, après avoir relu son Euripide, il ouvre son Virgile et est frappé par un passage du IIIe livre de l’Énéide, où il retrouve cette pure Andromaque qu’il avait déjà aimée dans l’Iliade (car déjà, écolier à Port-Royal, il avait écrit, en marge de son Homère, sur ce qu’il appelle la « divine rencontre » d’Andromaque et d’Hector, un petit commentaire très intelligent et très ému).

Voici le passage de Virgile :

Nous côtoyons, dit Énée, le rivage d’Épire ; nous entrons dans un port de Chaonie, et nous montons jusqu’à la haute ville de Buthrote… Il se trouva qu’en ce moment, aux portes de la ville, dans un bois sacré et sur les bords d’un faux Simoïs, Andromaque portait aux cendres d’Hector les libations solennelles et les tristes offrandes. Elle pleurait devant un vain tombeau de gazon, entre deux autels que sa douleur avait consacrés, et invitait Hector au funèbre banquet… Elle baissa la tête et, parlant à voix basse : « Ô heureuse avant toutes, dit-elle, la vierge fille de Priam, condamnée à mourir sur la tombe d’un ennemi, au pied des hautes murailles de Troie ! Elle échappa au partage ordonné par le sort et n’approcha point, captive, du lit d’un maître vainqueur. Mais nous, après l’incendie de notre patrie, traînées de mer en mer, il nous fallut, enfantant dans l’esclavage, subir l’insolence du fils d’Achille… Bientôt il s’attache à Hermione, race de Léda, et va dans Sparte rechercher sa main. Mais Oreste, qu’enflamme un violent amour de l’épouse ravie, Oreste que poursuivent, les Furies