Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/184

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encore que dix-huit ans, il garde quelque enfantillage :

Narcisse, c’est en fait, Néron est amoureux. — Vous ? — Depuis un moment, mais pour toute ma vie.

répond-il en bon jeune homme. Il se souvient aussi— encore un peu— des leçons de Sénèque, des déclamations d’école sur le juste et l’honnête. Et puis, il y a la décence officielle, les sentiments qu’il convient de paraître avoir. Mais déjà il ne parle qu’avec un dédain ironique de ses « trois ans de vertu » . Au reste, son rôle est, pour une bonne moitié, de l’ironie la plus aiguë. Car c’est un garçon fort intelligent. Et c’est un poète et un artiste, cet adolescent vaniteux et sensuel que la toute-puissance rendra monstrueux. Nous voyons passer tour à tour les divers démons qui sont en lui : Plaisir de commander :

Je le veux, je l’ordonne !

Imagination romantique et voluptueuse :

Excité d’un désir curieux,
Cette nuit je l’ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes,
Belle, sans ornement… Etc.
J’aimais jusqu’à ces pleurs que je faisais couler…

Galanterie sèche et d’une fatuité élégante ; puis, surgie tout à coup dès le premier obstacle qui s’oppose à son désir, cette cruauté dans l’amour, qui, portée à son plus haut degré, s’appellera le « sadisme », du nom d’un sinistre fou ; c’est-à-dire le