Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/211

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Étant donné la noblesse d’âme et à la fois la violence de passion de nos trois martyrs d’amour, il est certain qu’ils ne peuvent enfin sortir de là que par le sacrifice ou par le suicide. Et c’est pourquoi Bérénice veut mourir ; Antiochus veut mourir ; Titus lui-même veut mourir : du moins il le dit, et à ce moment-là, il le croit. Elle est bien obligée de reconnaître à ce signe que son amant l’aime toujours, et elle puise dans cette certitude le courage du renoncement. Tous trois feront leur devoir et vivront. Il y a dans cette fin de Bérénice comme un grand mouvement ascensionnel, une contagion montante d’héroïsme, qui rappelle, malgré la différence de la matière, le dernier acte de Polyeucte, et qui est d’une suprême beauté, et si triste ! et si sereine pourtant !

Il est à la mode, ces années-ci, de dire que Bérénice est la plus racinienne des tragédies de Racine. Oui, si l’on veut. Car d’abord, elle est, de toutes, la plus rigoureusement conforme aux deux admirables définitions que nous a données Racine de son système dramatique (dans la préface de Britannicus et dans celle de Bérénice même). Elle est, nous l’avons vu, la plus simple, celle qui est faite avec le moins de matière, celle où l’action est le plus purement intérieure.— Elle est aussi celle où Racine s’est le moins soucié de « couleur locale » ou même de couleur historique (sauf pour préciser l’obstacle qui sépare Titus de sa maîtresse). Les formes de la sensibilité y