Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/216

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tout ce que je voulais. Mais je ne vous épouserai pas : adieu. »

Votre cœur est à moi, j’y règne ; c’est assez.

Et c’est Tite qui est tendre, faible, incertain. À deux reprises, il se dit prêt à lâcher l’empire et à fuir au bout du monde avec sa maîtresse. Le Titus de Racine déclare tout le contraire :

… Et je dois encore moins vous dire Que je suis prêt, pour vous, d’abandonner l’empire… Vil spectacle aux humains des faiblesses d’amour.

Chose bien curieuse : si on laisse de côté la forme, c’est plutôt la Bérénice de Racine qui serait cornélienne : car c’est bien au devoir, après tout, qu’elle s’immole : au lieu que la Bérénice de Corneille se sacrifie moitié par orgueil, moitié afin de conserver la vie à son amant, pour qui elle craint les assassins s’il osait épouser une étrangère.


Or, Racine, ayant fait une tragédie si tendre que c’était à peine une tragédie, ayant peint l’amour le plus vrai, mais le plus pur, et un amour qui finalement se sacrifie au devoir, Racine se ressouvint, par contraste, de la démence d’Hermione et d’Oreste, choisit la plus atroce des histoires d’amour, et écrivit Bajazet.

Cette histoire lui fut apportée par son ami Nantouillet, qui la tenait du comte de Cézy, ancien ambassadeur de France à Constantinople. M. de Cézy avait connu, nous dit Racine, « toutes les particularités de la mort de Bajazet ; et il y a