Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/239

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d’un endroit de cette lente mais souvent charmante tragédie. À un moment, Suréna ayant dit qu’il veut mourir pour se tirer d’embarras, Eurydice répond mélodieusement :

Vivez, seigneur, vivez afin que je languisse, Qu’à vos feux ma langueur rende longtemps justice. Le trépas à vos yeux me semblerait trop doux, Et je n’ai pas encore assez souffert pour vous. Je veux qu’un noir chagrin à pas lents me consume, Qu’il me fasse à longs traits goûter son amertume ; Je veux, sans que la mort ose me secourir, Toujours aimer, toujours souffrir, toujours mourir.

Il y a là quelque chose de plus ardent que la langueur fade de Quinault. Et la fin est belle. Eurydice, qui vient d’apprendre la mort de Suréna, « demeure immobile et sans larmes » . Palmis, la sœur du héros, s’en indigne :

Quoi ! vous causez sa perte et n’avez point de pleurs !

Alors, Eurydice, simplement :

Non, je ne pleure point, madame ; mais je meurs. Généreux Suréna, reçois toute mon âme.

Et elle meurt.— Un peu auparavant, dans Psyché (1671), Corneille avait su mieux encore faire parler l’amour. Et je crois que la concurrence du jeune et odieux Racine a pu être pour quelque chose dans ce suprême renouvellement du vieux poète.

De son côté, Racine ne pense qu’à Corneille. Il sait bien tout ce que disent les partisans du