Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/253

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résisté. Ni son Iphigénie n’injurie son père comme fait celle d’Euripide, ni elle ne se pose ensuite en héroïne qui sauve son peuple. Ces propos, à son avis, manqueraient de bienséance et de goût chez une princesse royale. L’Iphigénie de Racine ne supporte même pas que son fiancé parle sévèrement de son père. Et, d’autre part, elle ne se glorifie pas elle-même. Elle a moins d’enthousiasme que de résignation et de sérénité. Tout ce qu’elle se permet, vers la fin, c’est de se réjouir à la pensée que sa mort assure la gloire d’Achille et la victoire de son pays.

Bref, elle songe aux autres (et à sa race) beaucoup plus qu’à elle-même ; ce qui est la marque d’une parfaite éducation. Iphigénie est une héroïne merveilleusement bien élevée. À ce degré, c’est très beau, — beau de décence, de possession de soi, de discipline intérieure. Cela est virginal et royal.

Et, si elle vous apparaît tout de même par trop princesse, par trop contenue dans sa première scène avec Agamemnon, je vous renvoie à l’Entretien sur les tragédies de ce temps par l’abbé de Villiers (1675) ; car vous y verrez qu’il y avait des gens qui lui trouvaient trop d’abandon et qui « n’approuvaient pas qu’une fille de l’âge d’Iphigénie courût après les caresses de son père » ; tout cela, à cause de ces vers, empreints pourtant d’une irréprochable modestie :

Seigneur, où courez-vous ? et quels empressements Vous dérobent si tôt à mes embrassements ?