Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la grâce, Racine n’est arrivé qu’à nous démontrer la fatalité terrible et délicieuse de la passion.

Cela échappait au grand Arnauld. Il disait naïvement, après que Boileau lui eut fait lire la pièce :

Il n’y a rien à reprendre au caractère de Phèdre, puisque, par ce caractère, le poète nous donne cette grande leçon que lorsqu’en punition de fautes précédentes, Dieu nous abandonne à nous-mêmes et à la perversité de notre cœur, il n’est point d’excès où nous ne puissions nous porter, même en les détestant.

Le malheur, c’est que nous ne voyons pas du tout « en punition de quelles fautes précédentes » Phèdre est entraînée au péché : nous voyons seulement qu’elle y est entraînée quoi qu’elle fasse. Et dès lors elle ne nous inspire qu’une pitié amoureuse.

Arnauld parlait en théologien et sur la seule lecture de la pièce. Il ne l’avait pas vue. Mais sans doute, quand Racine vit Phèdre sous les espèces de la Champmeslé, il conçut pour la première fois ce qu’il y a de contagieux dans la représentation de l’amour-maladie, et aussi ce que la religion peut ajouter de piment aux choses de l’amour. Il conçut avec horreur que la notion même du péché peut devenir un élément de volupté… L’inquiétude que lui inspira sa première tragédie chrétienne acheva de faire de lui un chrétien. Il renonça, dis-je, au théâtre, à trente-sept ans