Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de sa « douleur vertueuse » ! Et, sous prétexte qu’ils souffraient et qu’elle était belle, Mithridate et Ériphile n’avaient inspiré que fort peu d’horreur. Qu’avait fait Racine, que rendre intéressants les pires effets de la concupiscence ? Il était allé contre la doctrine chrétienne la plus assurée. Il avait été, bel et bien, « empoisonneur d’âmes » ; il le reconnaissait maintenant.

Et une autre chose le tourmentait : le souvenir de ses propres péchés.

On est tenté de supposer que, si Racine a si bien peint la passion extrême, l’amour-maladie, c’est qu’il l’a ressenti pour son propre compte. Cela n’est point nécessaire. Il suffit que le poète en ait pu étudier en lui-même les commencements, et chez d’autres les extrémités. Même, il est permis de croire qu’il a pu décrire ce mal avec d’autant plus de clairvoyance que, tout en le comprenant entièrement, il n’en était lui-même qu’à demi possédé.— En réalité, la vie passionnelle de Racine nous est peu connue. Il semble avoir aimé beaucoup mademoiselle Du Parc ; ce fut probablement sa première liaison. Elle avait trente-quatre ans, et il en avait vingt-six ou vingt-sept quand il la rencontra. Elle était fort jolie et, vous vous le rappelez, très courtisée. Racine avait eu le plaisir de l’enlever à Molière, et même à Corneille. Boileau, dans une conversation recueillie par Mathieu Marais, nous dit « qu’elle mourut en couches » .