Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/313

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avec l’exagération qui était d’usage. Toutefois les louanges qu’il lui décerna peuvent passer pour une exhortation à les mériter : car il le loue, à la veille de la Révocation, d’être « plein d’équité, plein d’humanité, toujours maître de lui » .— Il avait l’âme fière. Dans ce même discours, il a le courage (je dis le courage, car tout est relatif) de proclamer égaux devant la postérité les grands écrivains et les grands rois :

Du moment (dit-il à Thomas) que des esprits sublimes s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque inégalité que durant leur vie la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse. La postérité… fait marcher de pair l’excellent poète et le grand capitaine.

Et l’on sait que, quelques jours après, il lut son discours chez le roi, et que le roi s’en montra ravi.


2° En second lieu, Racine pouvait croire qu’il ne risquait rien à soumettre son Mémoire, je ne dis pas seulement à madame de Maintenon, mais au roi lui-même. Le roi jusque-là ne lui avait su mauvais gré ni de son attachement avoué aux « Messieurs » et aux religieuses, ni des allusions transparentes d’Esther aux malheurs et à l’innocence de Port-Royal.— Puis Racine adorait le roi et croyait être aimé de lui. Ils s’étaient connus, ne l’oublions pas, quand ils étaient très jeunes tous les deux (vingt-quatre et vingt-six ans) et quand le